L’Hiver du monde (Le Siècle, tome 2)

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J’ai attaqué ce deuxième tome de la saga Le Siècle avec enthousiasme. Je l’ai refermé en commençant à compter les jours avant la sortie du troisième tome !

(Retrouvez ma chronique du tome 1 La Chute des géants en cliquant ici. Cette chronique du tome 2 est garantie 100% sans spoiler, mais lisez le premier tome quand même !)

Dans cette suite, nous retrouvons les protagonistes de La Chute des géants dix années après les avoir laissés dans un monde en pleine reconstruction post-Première Guerre mondiale.
Nous sommes plongés directement dans l’Allemagne des années 1930, à la veille de la prise de pouvoir de Hitler. Pendant cette nouvelle partie du récit, qui s’étend de 1933 à 1949, nous allons voir évoluer avec les enfants des personnages découverts dans le tome 1. Leurs parents apparaissent encore, mais leur place s’efface petit à petit, à mesure que leurs enfants grandissent et ont leur vie propre.
Ce tome 2 évoque la montée du nazisme, la Seconde Guerre mondiale et enfin les prémices de la guerre froide.

Dans ce tome aussi, la France n’est que très peu évoquée (vous aussi vous vous dites que, quand même, le débarquement a eut lieu sur nos côtes et que ça vaut bien une petite centaine de pages sur un millier… et bien non.) Mais encore plus dans ce tome que dans le précédent l’absence de la France ne m’a pas posé de problème. J’ai aimé le resserrement sur l’Allemagne, puis sur la Russie et les Etats-Unis. (Le Royaume-Uni y a également une place, surtout au début, on voit la montée du fascisme chez les Britanniques et l’essoufflement du mouvement).

Ce qui m’est vraiment apparu dans ce tome (elle a mis 1500 pages à s’en rendre compte la p’tite, quand même) c’est la façon dont Ken Follett arrive à placer ses personnages de façon à ce qu’ils soient au plus près des évènements historiques et que tout paraisse naturel au lecteur (bon en fait ça m’est apparu quand un des personnages suit Hitler dans le Reichstag après l’incendie, et là justement c’est pas hyper naturel… mais dans l’ensemble tout passe très bien).

J’ai été étonnée du peu de traitement des camps de concentration et d’extermination (à peine évoqués en fait). Par contre le traitement de l’extermination des handicapés mentaux et physiques dans l’Allemagne dans années 1930 m’a beaucoup marqué (pour vous donner le niveau, j’en ai fait un cauchemar). Peut-être parce qu’on en parle moins souvent. (Non pas qu’on parle trop de la Shoah, il ne faut pas que le souvenir disparaisse.)
Il y a beaucoup de passages sur la guerre américano-japonaise et comme je n’ai jamais vu Pearl Harbor (oui je sais, c’est fou d’y avoir échappé), j’avais une connaissance assez limitée de la guerre dans le Pacifique, à part le point final par les bombes nucléaires.

Comme le premier tome, j’ai lu ce pavé à toute vitesse et avec un grand plaisir !
Il vaut mieux avoir lu le tome 1 avant de se lancer dans ce tome, même si Ken Follett fait de nombreux rappels de « qui est qui » et « qui a fait quoi ».

Lisez La Chute des géants, lisez L’Hiver du monde, et patientez sagement jusqu’en septembre pour la suite !

P.S.: Une partie de la fin de ce tome se déroule dans le Berlin d’après-guerre, où les troupes alliées ont pris le commandement. On y découvre la brutalité des soldats Russes et les « arrangements » que sont obligées de faire les Berlinoises. Sur ce sujet, j’avais lu un livre absolument génial (et affreux en même temps) : Une femme à Berlin : Journal 20 avril-22 juin 45, écrit par une Berlinoise restée anonyme, et publié chez Gallimard dans la collection Folio. Je n’ai pas de quoi en écrire une chronique (merci la mémoire-passoire), mais ce livre raconte sur un ton objectif et presque distant la vie d’une femme dans la capitale d’une nation dévastée et écrasées par les vainqueurs. C’est souvent dur, mais c’est une lecture que je n’oublierai pas.

La Chute des géants

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J’ai décidé de me lancer dans ce gros pavé (qui est suivi d’un second tome tout aussi impressionnant) en toute connaissance de cause : j’avais dévoré Les Piliers de la Terre il y a quelques années, je savais donc que 1000 pages écrites par Follett se lisaient sans effort.

Ce roman est une fresque historique dense et foisonnante. On y suit 5 familles de 4 pays différents, qui chacune nous éclaire sur le point de vue de leur pays et de leur classe sociale pendant la Première Guerre mondiale (un peu avant et un peu après, histoire de planter le décors).
(Il y a au début de ce livre une liste de personnages qui fait 6 pages, ça m’a un peu impressionnée au départ, mais pendant ma lecture je n’en ai pas eu besoin une seule fois, les personnages sont assez forts pour qu’on ne les mélange pas.)
On fait d’abord la connaissance des Williams, famille de mineurs gallois, ce sont eux qui nous ferons rentrer dans le quotidien de la classe ouvrière britannique en ce début de XXe siècle.
Les Williams travaillent dans les mines qui se trouvent sur les terres du comte Fitzherbert, aristocrate conservateur qui a épousé une princesse russe (assez antipathique, mais qui représente à merveille les pires côtés de la noblesse).
L’Allemagne est représentée (cette formule me fait penser à l’Eurovision) par la famille Von Ulrich, tous diplomates, basés à Londres au début du roman. Là c’est plus simple (ou presque) une seule famille regroupe les deux points de vues possibles : Otto, le père est un conservateur très proche du kaiser et Walter, son fils, représente une nouvelle génération d’Allemands, plus ouverte sur le monde.
On poursuit notre route en Russie, où les frères Pechkov, tous deux ouvriers dans une fonderie vont pour l’un partir aux Etats-Unis et l’autre prendre une part importante aux événements de son pays.
Gus Dewar permet d’introduire les États-Unis. C’est un personnage plus discret que les autres mais néanmoins essentiel.
Cette liste de personnages donne à croire qu’il n’y a que les hommes qui mènent l’histoire, mais les femmes y prennent une part importante, notamment concernant la lutte pour l’évolution des droits des femmes au Royaume-Uni. Mais ces femmes sont assez difficiles à décrire sans que je ne sois obligée de vous en dire trop sur l’histoire. (Les deux principales sont pourtant les personnages que j’ai préférés)

Chacun des personnages nous fait entrer dans son quotidien. Nous n’accédons pas seulement à leurs avis politiques, mais aussi à leurs relations familiales, leur travail, leur maison… Ce roman donne chair au mornes frises chronologiques que l’on trouve dans les manuels d’Histoire (même si ces dernières années les programmes scolaires ont fait des progrès sur le côté humain de l’Histoire).

Evidemment on découvre au fur et à mesure que les passés et les « avenirs » (selon le déroulement de l’histoire, enfin, vous voyez ce que je veux dire) de chacun de ces personnages sont liés d’une manière ou d’une autre [amour (et il y en a, beaucoup, passionné !), haine, calcul politique…].
On retient surtout que la Première Guerre mondiale a commencé à cause de vexations accumulées (l’assassinat de l’archiduc n’est que la partie émergée de l’iceberg… et l’on se rend bien compte de toutes les finesses et/ou bourdes diplomatiques qui mènent au déclenchement de la guerre) et qu’elle s’est prolongée, éternisée, pour de l’orgueil mal placé de la part de chacun des belligérants (là encore c’est grâce à nos personnages biens placés dans les sphères politiques et diplomatiques de leur pays que l’ont suit l’évolution et les réflexions de chaque puissance).
Mais on n’évolue pas uniquement dans les salons feutrés et les couloirs des ambassades, Follett donne un aperçu (quoique finalement un peu succinct, proportionnellement à la longueur du récit) de la vie des soldats dans les tranchées et pendant les combats.

Un seul bémol, mais je pense que c’est lié au fait que Follet soit britannique (et moi française) : l’absence quasi totale des Français. C’est assez étonnant de lire 1000 pages sur une guerre qui s’est déroulée sur notre territoire mais n’avoir que quelques pages sur l’armée française (moquée pour ses uniformes bleus et rouges assez peu efficaces pour se fondre derrière un buisson… ça, on ne peut pas le nier) et l’intervention d’un général pour motiver les officiers anglais qui visiblement n’étaient pas très motivés ni coopératifs au début de la guerre…
Mais bon, finalement on a tellement ingurgité d’Histoire de France pendant notre scolarité, avoir le point de vue des autres pays européens n’est pas inutile.

Ce roman fleuve permet de lier la grande et la petite histoire. Malgré l’épaisseur impressionnante de ce livre, il n’y a pas eu un moment où j’ai survolé le texte en espérant que la suite serait mieux, je n’ai pas eu envie de l’abandonner. Je l’ai dévoré (pas d’une traite, vous sauriez que je mens… je travaille, j’ai des amis et je dors… et il faut un peu de temps pour lire un tel livre !), et je suis prête à faire de même pour le tome 2 !

Si vous aimez les romans historiques, si vous voulez aborder la Première Guerre mondiale et la révolution russe sous un angle différent et moins aride qu’un livre universitaire (ils ne le sont pas tous), ce livre est pour vous !