En attendant Bojangles

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★★★★★

Ce texte est poétique et empreint d’une douce folie.
Mais ne vous fiez pas au ton des premières pages, cette histoire est triste.

J’avais commencé par relever toutes les phrases que je trouvais belles pour vous les citer, et quand je me suis aperçue que j’allais vous retranscrire tout le livre j’ai arrêté. (Je ne pense pas que Gallimard aurait apprécié cette initiative…)

Un petit garçon nous raconte sa vie de famille extravagante : chaque jour la mère reçoit un prénom différent de la part du père, l’animal de compagnie de la famille est un oiseau exotique ramené de voyage, les diners mondains et les escapades en Espagne.
Le petit garçon est obligé de « mentir à l’envers » à l’école pour que sa vie ressemble à celle de tous les autres.
Mais toute cette joie cache une réalité bien plus triste… que je vous laisse découvrir.

Ce premier roman d’Olivier Bourdeaut est une véritable bouffée d’air frais, de fantaisie et de folie douce mais tragique.

Je m’appelle Léon

★★★☆☆

Comment se constituer une toute nouvelle famille de bric et de broc ?

Leon, 9 ans, est un garçon courageux. Quand un jour sa mère n’arrive plus à se lever le matin, il s’occupe de son demi-frère Jake. Quand l’assistante sociale emmène les deux garçons chez Maureen au gros ventre et aux bras de boxeur, c’est lui qui sait de quoi le bébé a besoin. Mais quand on lui enlève son frère et qu on lui dit que chez ses nouveaux parents il n y a pas de place pour un grand garçon à la peau sombre, c’en est trop.

Heureusement Leon rencontre Tufty, qui est grand et fort, qui fait du vélo comme lui et qui, dans son jardin, lui apprend comment prendre soin d’une petite plante fragile. Mais Leon n’oublie pas sa promesse de retrouver Jake et de réunir les siens comme avant. Le jour où il entend une conversation qui ne lui était pas destinée, il décide de passer à l action…

Émouvant, dramatique mais aussi jubilatoire, Je m’appelle Leon évoque de façon éloquente la force de l’amour, le lien indéchirable entre frères, et ce qui, en fin de compte, fait une famille.

La famille de Léon vole en éclat, page après page. Qu’elle soit biologique ou d’accueil, à chaque étape de ce roman Léon perd un peu plus sa famille. Mais il s’en reconstruit une aussi.

J’ai aimé que ce roman soit composé de phrases courtes et subjectives qui reflètent la pensée de Léon. Le lecteur comprend en filigrane la situation (la maman de Léon est dépressive et en plein baby blues, mais un enfant de 9 ans ne peut pas faire ce constat.) C’est par sous-entendus et au travers de la vision tronquée de Léon que l’on découvre son histoire et qu’on complète le puzzle.

Un beau roman, plein d’humour et de tristesse.

Petit pays

★★★★★

Gaby et ses copains sont les rois de leur impasse dans le centre de Bujumbura au Burundi. Leur enfance se passe entre la cueillette des mangues et les jeux à la rivière.

Mais on est au début des années 1990 et en tant que lecteur des années 2010 on sait déjà les horreurs qui vont avoir lieu au Rwanda (et je l’ai découvert grâce à cette lecture, qui ont aussi affecté le Burundi).
Le premier accro politique survient après les élections burundaises immédiatement suivies par l’assassinat du président. La tension commence et elle ne faiblira pas jusqu’à ce que Gaby et sa petite soeur quittent le pays.

Gael Faye raconte avec beaucoup de poésie et une touche d’humour le Burundi du début des années 1990 et le basculement dans la violence.

Une lecture que j’aurais du mal à qualifier de « jolie » car le sujet dont il traite est dur mais l’auteur  rend ici un bel hommage à son « petit pays » et à l’enfance.

Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur

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Depuis quelques années ce livre traine dans un coin de ma tête. Depuis Noel, il est sur le dessus de ma PAL. Mais le dessus d’une PAL étant quelque chose de totalement aléatoire, il n’a pas été ma première lecture de l’année.
J’aime lire un livre quand je sens que c’est le moment de le lire.
(J’aimerais faire ça avec le ménage chez moi… mais je pense que dans ce cas même « C’est du propre » rebrousserait chemin.)

En une phrase : à Maycomb, ville du sud des Etats-Unis, vers la moitié des années 1930, une jeune enfant raconte trois années de son enfance, notamment marquées par le fait que son père (un Blanc) est commis d’office pour défendre Tom (un Noir) accusé (à tord) d’avoir violé Mayella (une Blanche).
Oui, cette phrase est longue.
Mais elle ne reflète pas du tout la teneur du livre.
Scout Finch (la petite fille) raconte avec ses mots et surtout avec sa vision d’enfant tous les évévements relatifs à cette affaire mais aussi sa vie de petite fille, les relations avec son frère qui entre dans l’adolescence, les relations avec son père, leurs voisins, leur « bonne » Calpurnia. (je mets « bonne » entre guillemets parce que comme dans la plupart des livres américains qui sont passés à la postérité, on suit l’histoire d’une famille qui traite les Noirs avec beaucoup de respect, et sont en avance sur leur temps, Calpurnia est leur « aide de maison » pas leur esclave).

On aperçoit en fond la crise économique qui frappe les Etats Unis à cette époque, mais ce n’est pas le sujet principal, la famille Finch étant peu touchée directement. On se retrouve immergés dans la vie quotidienne d’une petite ville du Sud, ses us et coutumes et son climat particulier que vient accentuer le procès pour viol et l’investissement du père de Scout pour la défense de Tom (là où tous ses concitoyens s’attendaient à ce qu’il ne fasse rien).

Une chose m’a marquée vers la fin du livre. La maîtresse de Scout, s’insurge à propos des lois injustes que Hitler fait passer en Allemagne contre les Juifs, Scout ne comprend pas comment on peut « détester autant Hitler si c’est pour se montrer odieux avec les gens de son pays ». J’ai pris fortement conscience à ce moment que pour tous les habitants de Maycomb il était tout a fait normal de considérer les Noirs comme appartenant à une autre catégorie d’êtres humain. Jusque là j’avais compris leurs remarques et manière d’être comme le racisme ordinaire régnant dans le sud des Etats Unis à cette époque (et qui donc aurait tout aussi bien pu se manifester à l’encontre de n’importe quelle communauté). Mais cette indignation de la maîtresse fait ressortir le clivage Blancs/Noirs.

C’est un beau roman sur l’enfance, et la compréhension que les enfants ont du monde qui les entoure (et qui est beaucoup plus aiguisé que ce que l’on pourrait croire). Il se classe dans les classiques, mais le style d’écriture est très vivant (vous connaissez ma réticence aux classiques…).